Nonviolence au Sud Soudan

Publié dans Le Fusil brisé, Décembre 2013, No. 98

Un Pasteur rapportait (dans une réunion postérieure) : « depuis que j’ai écouté l’atelier sur la nonviolence, j’ai arrêté de haïr les musulmans. Ils brûlent nos églises à Khartoum et depuis cette période, j’avais perdu le respect pour les musulmans et je les haïssais. Désormais, nous sommes dans un nouveau pays, je ne veux pas que les musulmans souffrent ce que nous avons, en tant que chrétiens, endurés sous le régime islamiste du Soudan. C’est douloureux de pardonner, mais ma bible me dit de le faire, comme dieu l’a fait pour nous. » Ce pasteur travaille avec quelques autres chrétiens et un groupe de musulmans depuis 2011. Ils organisent des ateliers interconfessionnels de proximité à Juba.

Un civil a rendu son revolver après avoir assisté à un atelier intitulé nonviolence et guérison des traumatismes. « J’ai tué des gens de la tribu voisine » confesse-t-il à un participant après cette réunion. « Je suis un dirigeant de jeunes et j’ai conduit en 2011 des violences inter communales qui ont eu lieu dans les cantons d’Yrol Ouest et de Myolo. Mon propre frère a été tué dans ce conflit. J’ai ensuite été arrêté et emprisonné. En détention, j’ai souffert psychologiquement parce que je savais que je risquais d’être pendu. Par chance, j’ai bénéficié de l’amnistie à la veille de l’indépendance de juillet 2011. » Il ajoute : « bien que j’ai été acquitté, jusqu’à présent je ne me sentais pas libre car la mémoire du passé me revenait à l’esprit. L’atelier organisé par ONAD sur la guérison du traumatisme, a été mon lieu de rédemption. J’ai cessé de me blâmer, j’ai décidé de déposer mon pistolet auprès des autorités locales et de me joindre aux équipes de paix. Je veux vivre le reste de ma vie comme travailleur de paix et je n’ai nul besoin d’une arme pour protéger mon bétail. »

Les gens regardent souvent la nonviolence avec des sentiments mitigés ! Au premier abord, normalement peu de personnes apprécient son importance. D’autres se posent la question de savoir si ça fonctionne ou non dans notre contexte hautement militarisé et violent. D’autres encore sentent que ça peu marcher dans une société moins violente, mais pas au Sud Soudan. Un participant à l’un de nos récents ateliers commentait que nous avons vécu dans la violence depuis l’indépendance du Soudan et, qu’après tout, celle du Sud Soudan résultait de deux guerres civiles avec le régime de Khartoum (1955-1975 et 1983-2005). Il se demandait comment faites-vous avec des fleurs face à la brutalité et aux fusils pointés ?

Nos participants expriment souvent les difficultés à s’investir en suivant les principes de la nonviolence, parce que – c’est vrai – ce qui se passe autour de nous est la plupart du temps violent. Mais il y a aussi des changements positifs d’attitudes qui prennent place au Sud Soudan – et c’est le petit espace sur lequel nous construisons. Nous nous référons à des expériences pratiques de techniques locales et mondiales de nonviolence. Nous disons toujours que la nonviolence est comme une graine qui a besoin de temps pour germer et croître avant de devenir un grand arbre. Cela commence avec moi, pas avec les autres. La transformation personnelle est la clef de la nonviolence. Pendant les ateliers, les gens disent souvent que « si je deviens non violent, les autres peuvent suivre mon exemple ».

Quand nous retrouvons le même groupe après une coupure de deux mois pour la réunion de suivi, nous leur demandons comment la nonviolence a marché pour eux. Beaucoup donnent des cas d’expériences nonviolentes dans leur vie quotidienne. Par exemple, Emmanuel Ladu a été capable de se réconcilier avec la personne qui a tué son père. Il dit : « Cela m’a pris six ans pour pardonner. J’étais une victime et j’ai donc pris moi-même l’initiative. L’atelier nonviolence m’a donné le courage de faire face à mon ennemi et d’oublier la souffrance passée. Après lui avoir pardonné, je me suis vraiment senti soulagé. Le pardon nous libère de la haine ! J’ai trop souffert de ne pas avoir pardonné. »

En résumé, les réunions de suivi nous ont toujours inspiré car nous y entendons nos participants partager leurs histoires. Le 2 octobre 2013, ONAD et ses bénévoles ont célébré la Journée internationale de la nonviolence. C’est le jour de naissance du Mahatma Gandhi, leader du mouvement indien de l’indépendance, qui a consacré sa vie à la cause de la résistance nonviolente. Nous l’honorons ainsi que les milliers d’autres qui ont travaillé dans le même esprit. Pendant que nous nous efforçons de suivre leur chemin, nous croyons que la victoire est certaine, sans souci du temps que ça prendra. Allons de l’avant, mais en arrière JAMAIS !

Moses Monday

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